Entre l'aleph et l'oméga - 1990


Luc Mercure, Entre l'aleph et l'oméga - ou L'édifiante odyssée d'un Juif errant : récit, Montréal : L'Hexagone, Collection Fictions ; 43, 1990, 155 p. ; 23 cm.
ISBN : 2890063860 (br.)















Extrait

Des ténèbres plus obscures qu'une nuit sans étoile et sans lune rayonnent parfaitement dans le caveau de Joseph. L'orant, malgré les larmes qui coulent sur ses joues comme suintent les sources rupestres, semble aussi pétrifié que le gisant qui repose à ses pieds. Ces larmes saturées de sel, plus lourdes encore que celles de Marie qui ne fut leur mère à tous deux, simultanément, que le temps de le dire, Jean ne les voit, ne les sent ni ne les entend; lui-même les passera sous silence, alors qu'on parlera pendant des siècles et des siècles de celles de Pierre, de Marie de Magdala. Agenouillé devant le corps de Jésus, Jean croit qu'il va pleurer jusqu'à la fin des temps, qui ne devrait pas tarder d'ailleurs, trois jours peut-être; il pense au Temple qui s'effondrera, il imagine le caveau recouvrant leurs deux corps, mais il n'est pas digne d'un tel châtiment, il ne mérite pas d'être enseveli aux côtés de celui qui l'a tant aimé.



Quatrième de couverture

Jésus vient de mourir. Jean, son jeune cousin et disciple bien-aimé, est désemparé. Ne serait-ce pas lui, et non Judas, qui par jalousie avait trahi Jésus au Jardin des Oliviers? Et, à la mort de ce dernier, n'aurait-il pas enlevé son corps pour le transférer dans le caveau de Lazare? Commence alors pour Jean une édifiante odyssée qui le mène de son village galiléen jusqu'en Asie mineure, en passant par Jérusalem, Rome et Patmos. Marie- mais de quelle Marie s'agit-il au juste? - l'accompagne au fil des ans, en chair, en os ou en rêve.
Juif depuis toujours et chrétien de la première heure, témoin de la rivalité des apôtres, du détournement de Paul de l'enseignement de Jésus et des premières hérésies, écartelé entre le monde sémite et la civilisation hellène, entre les traditions orales et scripturaires, Jean cherche son identité sur le chemin de la foi, de la vie et de l'amour. À Éphèse, quand sa barbe touche le sol, l'évangéliste enfin apaisé se retrouve seul et nu devant l'Éternel; c'est alors seulement qu'il comprend le sens des derniers mots que Jésus lui a adressés.
Renouant avec la tradition des hagiographies médiévales, Entre l'aleph et l'oméga s'inspire librement des écrits testamentaires et des légendes apocryphes. Ce récit fait fi des distances temporelles et spatiales; à travers le cheminement apocalyptique de Jean en sept épisodes, Luc Mercure nous propose une méditation lyrique d'une grande richesse symbolique sur les paradoxes du christianisme naissant qui, deux millénaires plus tard, sont encore les nôtres.



Critiques


Ce récit surprend à plus d'un égard. D'abord, qu'un jeune auteur à son premier roman entreprenne d'écrire l'histoire de l'apôtre Jean constitue une surprise. Ensuite, que la narration soit nourrie de sources bibliques achève de nous étonner. Et que, finalement, le texte soit d'une écriture sans reproche nous séduit d'emblée.

        Guy Ferland, « La vitrine du livre », Le Devoir, 13 octobre 1990


Avec des phrases au long, lent, solennel déroulement, remplies de détails minutieusement consignés, comme une mélopée, Luc Mercure imagine d'une fascinante manière la vie et la mort de Jean.

        Lucie Côté, « Quand la Bible inspire les jeunes romanciers », La Presse, 11 novembre 1990


Luc Mercure prouve par ce livre qu'il a l'esprit sérieux et l'appétence de grands sujets. Quand il aura perdu le goût des niaiseries médiévales, sa langue trouvera sa vraie couleur qui est fine. Luc Mercure s'en sort avec les honneurs dus aux braves.

        Jean Basile, « Retour romanesque au merveilleux judéo-chrétien », Le Devoir, 17 novembre 1990


N'en déplaise aux fermes croyants et aux fervents du mystère, Luc Mercure redonne à l'Histoire Sainte sa vraisemblance, voire sa réalité.

       Philip Wickham, « Au-delà du début de la fin », Continuum, 26 novembre 1990


La psychologie des personnages et surtout la violence des sentiments que leur prête l'auteur révèle la sensibilité d'un grand romancier qui se veut, disons-le, un tantinet provocateur!

        Christiane Leduc, « Quand la littérature et les sciences religieuses se rencontrent », L'Éditorium, mars 1991